
La SNCF a un rôle fondamental à jouer dans la transition énergétique et l’atteinte du Facteur 4 (division par 4 des émissions de GES – Gaz à Effet de Serre) dans les transports en France, puisqu’elle est l’opérateur national du mode de transport le plus performant : le train. Plus précisément la SNCF opère les lignes à grande vitesse et les lignes longue distance, ainsi que l’essentiel des lignes du quotidien (TER et certains RER). Sa responsabilité est donc majeure puisque le développement du train à horizon 2050 est essentiel. Plus que jamais la SNCF doit nous faire préférer le train, à nous voyageurs-usagers (comme je n’aime point ce dernier mot !), et doit faire préférer le train aux acteurs publics (régions et État) dans leurs choix d’investissement. Pour cela il faut offrir une gamme élargie de services de qualité, avec une large palette tarifaire, pour le plus grand nombre. Tout un défi, qui n’est pas nouveau.
Pourtant, malgré toutes ses qualités, il est évident que le train ne peut répondre à l’ensemble des besoins en 2050. Simplement doubler de nombre de voyageurs.kilomètre parcourus en train à cette date est probablement hors d’atteinte, en particulier pour les mobilités du quotidien. Le réseau actuel, avec les évolutions possibles, n’y suffirait pas. Le train, même avec les autres transports en commun, ne peut pas répondre à tous les besoins dans toutes les situations, et ces modes ne peuvent étendus à l’infini dans le contexte actuel. En revanche ils peuvent constituer l’ossature de la mobilité sobre de 2050.
Si la question de la mobilité doit être regardée sous l’angle de l’offre en 2050, il est absolument indispensable d’interroger la qualité et la quantité de nos mobilités en 2050, sous l’angle des pratiques et de nos modes de vie.
La mission étendue de la SNCF
Il est un défi nouveau que la SNCF a identifié comme faisant partie de sa mission : nous faire préférer le train, à nous voyageurs et citoyens, implique de le rendre plus flexible, plus attractif, plus efficace, en ayant recours aux autres mobilités partagées pour étendre sa portée, densifier son offre, améliorer sa qualité de service, augmenter sa résilience. La SNCF s’est engagée dans cette voie tardivement mais volontairement, en faisant l’acquisition de plusieurs startups ou en établissant des partenariats stratégiques, pour développer son offre dans le covoiturage et l’autopartage. Les dirigeants de la SNCF perçoivent bien désormais que dans l’ADN d’une entreprise ferroviaire il y a la notion de partage (d’un mode de transports, d’espaces de vie, de destinations, de valeurs) qui est très forte, tout comme la primauté de l’usage sur la possession. Par conséquent tous les changements culturels et sociétaux promouvant ces valeurs devraient être vus comme bénéfiques pour le développement du train. C’est le sens de la tribune publiée aujourd’hui par Barbara Dalibard (DG – SNCF Voyageurs).

Cette vision n’est pas encore partagée de tous, partenaires, État-tutelle, syndicats, media notamment, qui considèrent facilement que le covoiturage et l’autopartage font concurrence au train parce qu’ils peuvent s’y substituer. Ou que la SNCF ne devrait vendre que de l’hôtel comme hébergement, et certainement pas permettre à ses clients qui prennent le train en France de financer leur voyage en partageant leur propre logement inoccupé temporaire (c’est ce que Voyages-SNCF.com a tenté de faire en décembre). Ces raisonnements sont à courte vue et mal informés. Il est tellement évident et avéré qu’à long terme ceux qui ne posséderont plus de voiture mais en utiliseront tant que de besoin seront aussi des clients naturels du train lorsque c’est plus efficace et une meilleure expérience. Il est tout aussi clair que le train (même avec les autres transports en commun) ne peut répondre seul à tous les besoins de mobilité. Il est prometteur aussi, et vertueux, de favoriser les départs en vacances en France et en train, en mettant tout en œuvre pour que cela coûte moins cher que d’aller aux Baléares en avion, pour la même mer et le même soleil ! Est-il difficile de comprendre qu’un acteur comme la SNCF devrait jouer un rôle dans le développement de ces nouvelles pratiques. Pas forcément au premier plan, sur la ligne de front, mais comme un acteur qui apporte de la crédibilité, de la confiance et de l’éthique à ces pratiques, pour assurer qu’elles soient vertueuses.
Les germes de la mobilité sobre sont dans les changements sociétaux en cours
Le travail que nous avons mené chez OuiShare avec la SNCF en 2015 dans le cadre d’un grand partenariat visait à mieux comprendre comment les mobilités partagées et le train pourraient contribuer efficacement et de manière réaliste à l’atteinte du Facteur 4 dans les transports. Nous l’avons fait d’une manière différente des travaux précédents posant des hypothèses de parts modales dans une logique d’offre qui conduit la demande. Nous sommes partis de travaux effectués par l’équipe de Vincent Kaufmann (EPFL) et d’une enquête client pilotée par MTI Conseil (Bruno Monjaret). L’objectif était de construire plusieurs scénarios basés sur des évolutions sociologiques et sociétales crédibles conduisant à de nouveaux comportements. Notre logique est que ce sont les mutations des modes de vie, des aspirations des structures de travail, et de l’urbanisation des territoires qui seront les véritables drivers des évolutions de nos mobilités. En face de l’évolution de la demande, il doit y avoir une offre de services de transports adaptée : des modes actifs (marche, vélo, véhicules urbains, VAE – Vélo à Assistance Électrique) prioritaires sur tout le territoire, un réseau ferroviaire et de transports en commun traditionnels qui soit efficace et efficient, l’utilisation des voitures de manière partagée pour créer de nouveaux modes de transport efficaces et résilients, des véhicules efficient du point de vue énergétique, avec des émissions de GES minimales. Dans cet ordre de priorité : modes actifs, transports en commun, modes partagés étendant les transports en commun, véhicules efficients.
La bonne nouvelle, c’est que les germes du changement sont présents dans les aspirations actuelles des individus à des modes de vie différents, des mobilités plus actives, une réduction du stress et des contraintes d’une vie excessivement mobile. Notre responsabilité est de protéger ces germes prometteurs des gelées de la fin de l’hiver, et de faire advenir des conditions favorables à un printemps des mobilités qui garantisse la transition énergétique vers une mobilité sobre qui forme un socle pour une future société neutre en carbone.